dimanche 27 mars 2011

Le petit Mercredi apolitique de gaets n°12 : Du pain et des jeux !

La petite maxime de Juvénal pour décrire les besoins fondamentaux du peuple romain pourrait sembler très lointaine de nos quotidiens. Après tout, ne sommes-nous pas beaucoup plus évolués que nos ancêtres qui se satisfaisaient d’avoir le ventre rempli et une course de chars à regarder ? Cette maxime représente ce que Juvénal considérait comme nécessaire au peuple pour lui éviter de se rebeller… En bon Machiavel, il discutait avec ses amis politiciens de quoi faire pour garder son poste et donner à ses concitoyens ce qu’ils veulent. Il oubliait évidemment d’autres besoins évidents : besoin de sécurité, d’appartenance, etc… Tout ce qui fait une jolie pyramide de Maslow.
Mais voilà, aujourd’hui, il est évident que certains de ces besoins sont très largement remplis… Pour le pain les pays occidentaux ne craigne plus réellement la famine, pas plus que la pénurie d’eau ou le manque de logements, et la sécurité (civile en particulier) est très largement assurée (quoi qu’en disent les fanas de l’état policier). Donc reste certains besoins d’ordre plus psychologiques : désir d’appartenance et d’accomplissement… Ce qui est censé aider l’homme à s’élever.
Commençons par l’appartenance : Difficile de se sentir inclus dans un groupe uni par les temps qui courent. La famille ? Pas vraiment la valeur la plus sûre dans une société de divorces et de familles recomposées. Le travail ? Idem, pas facile de faire confiance à ses collègues dans des boites qui prônent la concurrence et le chacun pour soi. Reste quoi : le club de foot du coin, un bout de nationalisme et un peu d’intégrisme religieux ? Est-ce que ce sont les seuls groupes forts qui nous restent ? (Au passage, est-ce que par hasard on ne ferait pas tous partis du même bout d’humanité avec un chouette ancêtre commun ? Ça ne fait pas de nous tous des cousins et cousines du coup ?). Nous sommes devenus une grande famille d’unités.
Pour l’accomplissement, c’est encore pire. Les seules réussites dont on vante les mérites appartiennent aux sportifs et aux stars de l’écran ou de la chanson. Super exemple à donner aux générations futures. Attention, je ne crache pas sur les sportifs en général, dont on ne peut qu’applaudir et recommander la persévérance, la régularité, le sens du sacrifice, etc… Mais les seuls sportifs qui sont acclamés et riches sont des types bouffis d’orgueil qui font n’importe quoi de leur vie… Comment motiver qui que ce soit à faire de son mieux et à travailler dur quand tout est facile pour ses idoles ?

D’où une petite crise d’identité. Et un besoin impérieux de rechercher de nouveaux moyens de remplir son existence. Du coup, ces besoins d’accomplissement et d’appartenance ont été largement phagocytés par le besoin suprême du XXIème siècle : celui de se divertir. Il a doucement mais surement pris une place de plus en plus importante dans nos petites vies. Un bon moyen d’oublier nos petits tracas d’humains ? Pas si sûr… L’abrutissement a aussi ses limites. Mais nous continuons d’ingurgiter du loisir à tout-va, en remplaçant le colisée par la télévision (une coupe du monde de foot gagnée et c’est la liesse générale pendant plusieurs mois, on oublie tous les tracas du quotidien).


La distraction due aux divertissements est appelée par Huxley le grand mal. Avec la consommation, elle constitue les deux piliers de son utopie effrayante (lire aussi la "Zone du Dehors" de Damasio). Les loisirs ne sont pas un problème en soi, c’est juste qu’ils ne doivent pas servir qu’à se vider la tête, ils peuvent aussi aider à la remplir.
L’abrutissement généralisé pose un certain nombre de difficultés, en particulier dans la responsabilisation des citoyens (c’est d’ailleurs sur cela que comptait Juvénal pour les garder sous sa coupe). La faute dans ce domaine est très partagée : d’un côté le quidam lambda qui ne s’intéresse pas à grand-chose d’autre que sa petite vie et ses petits loisirs. De l’autre des politiciens, scientifiques, philosophes qui sont incapables de rendre leurs domaines accessibles au commun des mortels. Et c’est bien là qu’est tout le problème des démocraties modernes : elles considèrent que tous les citoyens sont cultivés, intéressés par la politique, conscients des enjeux et responsables. Ce qu’évidemment nous ne sommes pas. Aux élites de faire preuve de pédagogie dans ces domaines.

Ce qui est nécessaire au peuple n’est pas forcément ce qu’il réclame : du pain certes, mais des jeux, pas sûr…

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire