J’ai lu (ceci) à propos d’une question intéressante il y a quelques jours : le
débat sur les premières formes de sociétés primitives et principalement sur la
pression extérieure ayant poussée les hommes à se regrouper.
Le processus
d’imagination menant à la mise en place d’un groupe de chasseurs travaillant
ensemble va bien au-delà des maigres ressources de nos ancêtres simiesques, et
surtout ne relève pas d’un impératif inné. Essayer de faire comprendre à un
animal qu’il doit partager sa pitance est impossible, comment s’imaginer que ce
type d’organisation est apparu tout seul ? La faim est un élément diviseur
dans un groupe primitif, pas unificateur. De plus, n’importe quel grand singe
est en mesure de se nourrir seul, pourquoi dès lors se coltiner une ribambelle
de boulets qui piqueraient dans son assiette ?
Non, la première
pression ayant regroupée les hommes est à la fois beaucoup plus simple et moins
romantique. Et surtout elle répond au besoin le plus naturel qui soit :
celui de dormir. Et oui, 6 à 8 heures de sommeil dans la nuit noire d’une
savane remplie de prédateurs a quelque chose d’un peu flippant. D’où la
nécessité d’assurer des tours de garde contre la multitude de choses aux dents
pointues rodant dehors. Ce qui a poussé les hommes ensemble, c’est la peur de
la nuit ! C’est à la fois risible lorsqu’on vit dans nos sociétés où c’est
bien le dernier de nos soucis, et flippant de se rendre compter que la première
organisation sociale fut basée sur un sentiment de terreur.
(Saturday Morning Breakfast Cereal !) |
La société humaine
est l’enfant de la nuit. Ce qui a pour effet un certain nombre de conséquences
évidentes :
- - Les
premières sociétés étaient de modèle militaire : pas des
chasseurs-cueilleurs mais des adjudants et des troufions. Et pas la version
mignonne de la hiérarchie moderne, mais celle brutale d’une peuplade primitive.
- - Les leaders de seconde génération furent religieux et ils sont apparus très tôt, là
aussi à cause se la nuit. Une fois une organisation militaire mise en place
pour la garde, il a fallut en effet s’occuper des autres peurs découlant du
sommeil et des rêves, comme celle de la mort. Ce qui est donne au passage le
rôle des parents dans une cellule familiale : protection physique pour le
père, et spirituelle pour la mère. Et oui, les premières autorités religieuses
étaient sans doute des femmes. Toujours intéressant dans nos monothéismes
patriarcaux actuels…
Une autre question
que l’on peut se poser est que reste-il de cette première peur et de ces
conséquences ? Les enfants ont pour beaucoup encore cette peur de
l’obscurité et des monstres qui la peuplent, quelque chose qui ressemble pas
mal à ce que devaient ressentir nos ancêtres dans la savane. Du coup ce
sentiment semble atavique. Et que font-ils dans ces cas là ? Chercher la
présence et la protection paternelle ou maternelle, bref la tribu la plus proche.
Donc, contrairement à ce que l’on pourrait s’imaginer, nous ne sommes pas
encore débarrassés de cette peur primitive.
Le plus important
ici est bien de se rendre compte que la société humaine s’est formée autour du
sentiment de peur (peur de la nuit, de la mort et de l’inconnu en général), et
donc la psyché, la culture et les interactions de l’humain moyen moderne découlent
de ce fait. Il est tout à fait possible que nous ne soyons pas naturellement
sociaux, voir au contraire égoïstes et solitaires, et que ce soit nos frayeurs
qui nous poussent les uns vers les autres. Et contrairement à ce que les
phrases précédentes laissent penser, ce n’est pas triste ou pathétique :
la société humaine comme lumière au milieu d’un océan noir de peurs primitives,
c’est plutôt un chouette accomplissement !
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