mardi 28 février 2012

Le petit mercredi apolitique de gaets n°19 : Islam et Etats


Petit article en cette période de début de campagne présidentielle sur un sujet difficile : l’islamisation des pays arabes, principalement de ceux sortant de leurs printemps. Pourquoi est ce que ça a de l’importance à quelques mois de l’élection qui nous donnera un nouveau chef d’état ? Parce que le rapport aux nouvelles démocraties du Maghreb, l’immigration qui en vient et notre vision de nos propres compatriotes musulmans sont trois sujets dont on entendra parler, ne serait-ce que dans le débat droite – extrême droite.
Certes, on peut trouver préoccupant l’émergence de tout un tas de partis islamistes au moyen orient. Est-ce pour autant une raison d’intervenir partout, d’imposer des sanctions ou de s’inquiéter de l’immigration qui résulte des changements occasionnés ?
Donc comme toute dissertation qui se respecte, faisons un plan thèse-antithèse-synthèse.

Quelle est la règle numéro un de la politique étrangère ? Pas d’ingérence dans les affaires internes d’autres pays. Voilà, c’est dit.
Bon, la réalité est un peu plus compliquée. On ne peut décemment pas laisser des peuples se faire opprimer ou décimer en ayant la conscience tranquille, c’est pourquoi il était temps d’intervenir en Lybie. Mais la diplomatie doit être la première étape, pas comme les gros sabots américains en Afghanistan et en Irak par exemple.
Mais lorsqu’un peuple s’est engagé sur le chemin de la démocratie en gagnant ce droit par une révolte qui lui a couté de nombreuses vies, de quelle autorité nous prévalons-nous de juger le gouvernement qu’il élit ? Et si ce passage par un gouvernement allié aux religieux était nécessaire ? N’oublions pas que dans tous ces pays, le pouvoir qui était en place (souvent d’origine militaire) ne s’appuyait pas sur les islamistes et même plutôt les combattait, voir même opprimait les religieux. Difficile dès lors d’en vouloir à une population de vouloir retrouver ses racines. Le même phénomène s’est déjà produit en Russie, où à la suite de l’effondrement du communisme, on a assisté à un grand retour vers la religion orthodoxe.

D’un autre côté, il est difficile de ne pas s’inquiéter pour l’évolution de la pluralité, des rapports aux autres cultures ou religions et des droits de l’homme dans les pays concernés, en particulier ceux de la femme (si vous trouvez une contradiction dans cette phrase, c’est que nous vivons dans un pays de misogynes linguistiques). Et là, on a beau camoufler ça sous le beau manteau de la culture et tenter de laisser faire, on peut être sur que des retours en arrière sont à prévoir. Oui, par exemple d’un point de vu sociologique et culturel, les femmes obligées de se voiler, qui ne peuvent gérer leur argent et leurs biens, et qui sont considérées subordonnées aux hommes, c’est de l’obscurantisme. De même que l’ostracisation de son voisin parce qu’il n’a pas la même religion ou les mêmes idées politiques (ça marche aussi chez nous).
Alors, on en arrivera peut être pas là, mais les extrémistes de tout poil sont toujours à surveiller, en particulier lorsqu’ils se font appeler Salafistes. Ces fameux intégristes venus d’Arabie Saoudite  (où ils se font appeler wahhabites) représentent aujourd’hui le courant le plus dur de l’Islam. Et grâce à l’argent du pétrole, ils tentent de répandre leur doctrine dans le monde musulman, profitant des printemps arabes comme ils avaient profité de la guerre en Bosnie : on leurs doit  par exemple la construction de la plus grande mosquée en Europe (la mosquée du Roi Fahd à Sarajevo).

Bon, pour faire avancer un peu le schmilblick, il faut se tourner vers les dernières infos et vers les grands partis religieux qui sont majoritaires en Egypte, Tunisie et Maroc, respectivement "Liberté et Justice", Ennahda, et le "Parti de la justice et du développement" ainsi sans doute que celui des prochaines élections libyennes.
Aucun d’entre eux ne brigue pas la présidence de leur pays. Malgré le fait qu’ils soient chacun arrivés premier dans élections post révolution et puissent numériquement imposer le candidat de leur choix, ils ont tous décidé de former un gouvernement d’union avec les autres partis. De plus, tous ont fait le choix de conserver des relations diplomatiques cordiales avec l’occident (et en particulier les Etats-Unis). Enfin, en Egypte, comme en Tunisie, ils se sont opposés aux Salafistes.
Est-ce que tout ça n’est pas exactement le comportement que l’on attend de grands partis républicains ? Du coup, il semble bien que démocratie et Islam ne soient pas incompatibles, contrairement à ce que nous chuchotaient nos peurs occidentales (pas nécessairement infondées). Ces nouveaux gouvernements sont tout jeunes, il faut peut être commencer par leur donner le bénéfice du doute.

Et pour finir, un  paragraphe rapide sur les remarques de certains partis français (plutôt à droite, ne nous mentons pas…) suite à l’immigration provenant des nouvelles démocraties arabes et à la peur que provoquaient les révolutions:
Petit rappel historique : tous les pays monarchiques ont déclaré la guerre à la France lorsque celle-ci a raccourci son Roi, par peur de la contagion des idées révolutionnaires et du flot d’immigration qui suivrait dans leur pays. Comment est ce que notre belle nation, héritière de cet esprit de combat contre l’oppression, peut aujourd’hui avoir peur de ces voisins qui s’émancipent de la dictature ? Ou rejeter ces populations qui fuient la guerre ? Ca ne vous donne pas légèrement envie de vomir ?
La peur et l’ignorance sont les deux armes favorites des populistes (autre nom des fascistes). Les utiliser une veille d’élection n’est rien de plus qu’un moyen de détourner l’attention des vrais problèmes, qu’ils soient économiques ou sociaux. Lorsque vous déposerez vos bulletins dans l’urne, faites le pour les bonnes raisons !

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