Impossible de trouver un bon titre d’article en français de
nos jours. Pardon à tout les non-anglicistes. Mais il y a cette fois-ci (par
rapport aux 12 fois précédentes…) une bonne raison : le terme
"fallacies" est quasiment intraduisible. Le mieux que l’on puisse
faire, c’est illusion. Nous n’avons
garder en français que l’adjectif fallacieux ("qui est basé sur un mensonge ou
un faux").
Donc que signifie "logical fallacies" ? C’est
un groupe de raisonnement qui ont l’apparence de la logique mais qui n’en sont
pas. Et pourquoi un article sur ces raccourcis ? Simplement parce qu’ils pourrissent
les débats depuis des milliers des années et qu’il est important de savoir les
reconnaître pour pouvoir les contrer.
Depuis des temps immémoriaux, les philosophes se méfient des
raisonnement pseudo-logiques camouflés sous des couches de rhétorique bien
préparée. Déjà Aristote et Platon mettait en garde les politiciens et les
orateurs, et les enjoignaient à n’utiliser que la logique dans leurs discours.
Dans Gorgias par exemple, Platon s’en
prends violemment aux sophistes pour leur manque de rigueur argumentaire.
Pour un peu mieux comprendre, voyons un peu quelques-uns de
ces faux arguments :
- la charge de la preuve : dans une discussion quelconque,
le fait de prouver une théorie revient à celui qui l’affirme, et non pas aux
autres de prouver qu’il a tort. Cet illogisme se rapproche aussi de l’appel à l’ignorance ou argumentum ad ignorantiam pour les
latinistes.
Le fameux " Prouvez moi que j’ai tort" est
l’illustration parfaite de cet illogisme, et a permis à des générations de
pseudo-scientifiques, de religieux et d’hommes politiques d’ancrer leurs idées
dans l’inconscient collectif. Dans le désordre, quelques exemples où l’on a
abusé de cet illusion : les médicaments homéopathiques ("prouvez–moi
que ça ne marche pas !"), Dieu ("prouvez–moi qu’il n’existe
pas !"), la nocivité des OGMs ou des portables ("on n’a pas
prouvé qu’ils n’étaient pas nocifs donc ils le sont !"), …
Malheureusement la science et la logique marche dans le sens inverse.
Toute théorie doit apporter des preuves de sa véracité.
- Le raisonnement panglossien ou non sequitur :
il s’agit de partir d’une conclusion qui s’avère juste et remonter vers
l’explication qui nous arrange. Le nom de Pangloss provient du fameux
professeur de métaphysico-théologo-cosmolonigologie de Candide qui trouvait le
monde tellement parfait, parce que par exemple, une banane est faite pour être
facilement épluchée…
C’est cette même erreur logique qui est à l’origine des théories de fine-tuning
qui sont censées être la preuve de l’existence d’un créateur. Ceux qui les
défendent utilise souvent l’analogie de l’horloge : l’univers est
tellement complexe et bien agencé qu’il est quasiment obligatoire de s’imaginer
qu’une main d’un hypothétique horloger divin est conçu tous ses rouages. Ici,
il est évident qu’il existe beaucoup d’autres explications à la
complexification par étage de l’univers, comme par exemple l’évolution
progressive (sur 15 milliards d’années quand même !) de celui-ci depuis l’énergie
initiale du big bang jusqu’à la vie intelligente sur terre.
En clair, on ne pars pas des conclusions pour arriver à une hypothèse.
- Ad hominem : Ah ! L’attaque personnelle, l’arme
préférée des politiciens de tout temps. En clair, cracher sur
quelqu’un (sa vie personnelle, son œuvre, ses fréquentations,…) pour miner ses
arguments. Certains exemples sont devenus carrément célèbres : au hasard
(mais pas vraiment) Marine Le Pen qui refuse de débattre avec Daniel
Cohn-Bendit dans les années 2010 sur la dépénalisation des drogues douces au
parlement Européen parce que celui a été accusé de pédophilie dans les années
80 (pas devant la justice d’ailleurs, juste sur la place publique). On peut
citer de la même manière les accusations d’hérésie et de sorcellerie des
scientifiques par l’église quand les thèses de ceux-ci ne leur plaisaient pas.
Pour illustrer celui-ci, je vous conseille cette vidéo de
SMBC qui propose de recourir à l’AK47 pour soigner ceux atteint de ce grand
mal. Même en temps que pacifiste, je suis plutôt d’accord…
- La pente glissante : un type d’argumentation qui est
revenu des dizaines de fois dans l’actualité récente. Il prétend que si on
laisse A arriver, alors Z va se passer, donc A ne devrait pas arriver. Le problème
est que ce raisonnement ne s’intéresse pas au problème étudié mais décale l’attention
sur d’hypothétiques conjectures sans fondement.
L’exemple le plus frappant est le mariage gay, où une grande partie des
arguments consistaient à prétendre qu’en le permettant, on autoriserait ensuite
la procréation pour tous, ou qu’on légaliserait la polygamie, ou pourquoi pas
parfois la zoophilie, la pédophilie...
Sauf que les lois sont justement là pour mettre des barrières sur ce
qui est acceptable ou non. En déplaçant une barrière, on ne fait pas tomber
toutes les autres !
- Couper la poire en deux : C’est prétendre qu’il existe toujours
un compromis entre deux points de vu extrêmes. Dans la plupart des cas, un
accord sur un problème est quelque chose de souhaitable mais deux points de vu
opposé ne se valent pas forcément, et le milieu de ces deux arguments n’a parfois
aucun sens. Un compromis entre la vérité et un mensonge est encore un mensonge !
- L’argument d’autorité supérieure : Ici, plusieurs cas,
comme en appeler à Dieu, à une autorité (par exemple scientifique) ou au
peuple. A chaque fois, cet argument consiste à prétendre que Yavhé, la
multitude ou Aristote ont toujours raison. Et à chaque fois ce n’est pas un
argument, juste un bouclier derrière lequel se cacher.
- L’anecdote : Le plus utilisé des arguments fallacieux
chez les politiciens. Quand des statistiques ne nous plaisent pas, on les
remplace par des histoires personnelles. C’est le fameux "Vous savez, moi,
dans ma circonscription, j’ai une mère de famille qui s’est fait attaquée par
des voyous" dans le débat sur l’insécurité. Oui, il existe toujours des
faits divers de violences et de délinquances en France, mais les chiffres ne
mentent pas, elle a baissé énormément ces trente dernières années !
Lorsqu’on argumente, seuls les chiffres comptent.
Il existe beaucoup d’autres illogismes argumentaires : en appeler
aux émotions du public, confondre naturel et bon, les faux liens de causalités,
juger un argument sur sa provenance, etc… Je vous conseille le site yourlogicalfallacyis.com
qui en détaille encore un certain nombre.
La prochaine fois que vous écoutez un débat télévisé, n’hésitez pas à
faire le compte des vrais et faux arguments. Vous comprendrez vite que les
politiciens ne s’intéresse pas énormément à la vérité mais plutôt à une version
déformée qui les intéresse.
Sur ce je vais m’écouter un peu de Arctic Monkeys pour me déstresser.
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