samedi 7 décembre 2013

Article n°20 : Logical fallacies

Impossible de trouver un bon titre d’article en français de nos jours. Pardon à tout les non-anglicistes. Mais il y a cette fois-ci (par rapport aux 12 fois précédentes…) une bonne raison : le terme "fallacies" est quasiment intraduisible. Le mieux que l’on puisse faire, c’est illusion. Nous n’avons garder en français que l’adjectif fallacieux ("qui est basé sur un mensonge ou un faux").
Donc que signifie "logical fallacies" ? C’est un groupe de raisonnement qui ont l’apparence de la logique mais qui n’en sont pas. Et pourquoi un article sur ces raccourcis ? Simplement parce qu’ils pourrissent les débats depuis des milliers des années et qu’il est important de savoir les reconnaître pour pouvoir les contrer.

Depuis des temps immémoriaux, les philosophes se méfient des raisonnement pseudo-logiques camouflés sous des couches de rhétorique bien préparée. Déjà Aristote et Platon mettait en garde les politiciens et les orateurs, et les enjoignaient à n’utiliser que la logique dans leurs discours. Dans Gorgias par exemple, Platon s’en prends violemment aux sophistes pour leur manque de rigueur argumentaire.
Pour un peu mieux comprendre, voyons un peu quelques-uns de ces  faux arguments :

- la charge de la preuve : dans une discussion quelconque, le fait de prouver une théorie revient à celui qui l’affirme, et non pas aux autres de prouver qu’il a tort. Cet illogisme se rapproche aussi de l’appel à l’ignorance ou argumentum ad ignorantiam pour les latinistes.
Le fameux " Prouvez moi que j’ai tort" est l’illustration parfaite de cet illogisme, et a permis à des générations de pseudo-scientifiques, de religieux et d’hommes politiques d’ancrer leurs idées dans l’inconscient collectif. Dans le désordre, quelques exemples où l’on a abusé de cet illusion : les médicaments homéopathiques ("prouvez–moi que ça ne marche pas !"), Dieu ("prouvez–moi qu’il n’existe pas !"), la nocivité des OGMs ou des portables ("on n’a pas prouvé qu’ils n’étaient pas nocifs donc ils le sont !"), …
Malheureusement la science et la logique marche dans le sens inverse. Toute théorie doit apporter des preuves de sa véracité.

- Le raisonnement panglossien ou non sequitur : il s’agit de partir d’une conclusion qui s’avère juste et remonter vers l’explication qui nous arrange. Le nom de Pangloss provient du fameux professeur de métaphysico-théologo-cosmolonigologie de Candide qui trouvait le monde tellement parfait, parce que par exemple, une banane est faite pour être facilement épluchée…
C’est cette même erreur logique qui est à l’origine des théories de fine-tuning qui sont censées être la preuve de l’existence d’un créateur. Ceux qui les défendent utilise souvent l’analogie de l’horloge : l’univers est tellement complexe et bien agencé qu’il est quasiment obligatoire de s’imaginer qu’une main d’un hypothétique horloger divin est conçu tous ses rouages. Ici, il est évident qu’il existe beaucoup d’autres explications à la complexification par étage de l’univers, comme par exemple l’évolution progressive (sur 15 milliards d’années quand même !) de celui-ci depuis l’énergie initiale du big bang jusqu’à la vie intelligente sur terre.
En clair, on ne pars pas des conclusions pour arriver à une hypothèse.

- Ad hominem : Ah ! L’attaque personnelle, l’arme préférée des politiciens de tout temps. En clair, cracher sur quelqu’un (sa vie personnelle, son œuvre, ses fréquentations,…) pour miner ses arguments. Certains exemples sont devenus carrément célèbres : au hasard (mais pas vraiment) Marine Le Pen qui refuse de débattre avec Daniel Cohn-Bendit dans les années 2010 sur la dépénalisation des drogues douces au parlement Européen parce que celui a été accusé de pédophilie dans les années 80 (pas devant la justice d’ailleurs, juste sur la place publique). On peut citer de la même manière les accusations d’hérésie et de sorcellerie des scientifiques par l’église quand les thèses de ceux-ci ne leur plaisaient pas.
Pour illustrer celui-ci, je vous conseille cette vidéo de SMBC qui propose de recourir à l’AK47 pour soigner ceux atteint de ce grand mal. Même en temps que pacifiste, je suis plutôt d’accord…



- La pente glissante : un type d’argumentation qui est revenu des dizaines de fois dans l’actualité récente. Il prétend que si on laisse A arriver, alors Z va se passer, donc A ne devrait pas arriver. Le problème est que ce raisonnement ne s’intéresse pas au problème étudié mais décale l’attention sur d’hypothétiques conjectures sans fondement.
L’exemple le plus frappant est le mariage gay, où une grande partie des arguments consistaient à prétendre qu’en le permettant, on autoriserait ensuite la procréation pour tous, ou qu’on légaliserait la polygamie, ou pourquoi pas parfois la zoophilie, la pédophilie...
Sauf que les lois sont justement là pour mettre des barrières sur ce qui est acceptable ou non. En déplaçant une barrière, on ne fait pas tomber toutes les autres !


- Couper la poire en deux : C’est prétendre qu’il existe toujours un compromis entre deux points de vu extrêmes. Dans la plupart des cas, un accord sur un problème est quelque chose de souhaitable mais deux points de vu opposé ne se valent pas forcément, et le milieu de ces deux arguments n’a parfois aucun sens. Un compromis entre la vérité et un mensonge est encore un mensonge !


- L’argument d’autorité supérieure : Ici, plusieurs cas, comme en appeler à Dieu, à une autorité (par exemple scientifique) ou au peuple. A chaque fois, cet argument consiste à prétendre que Yavhé, la multitude ou Aristote ont toujours raison. Et à chaque fois ce n’est pas un argument, juste un bouclier derrière lequel se cacher.

- L’anecdote : Le plus utilisé des arguments fallacieux chez les politiciens. Quand des statistiques ne nous plaisent pas, on les remplace par des histoires personnelles. C’est le fameux "Vous savez, moi, dans ma circonscription, j’ai une mère de famille qui s’est fait attaquée par des voyous" dans le débat sur l’insécurité. Oui, il existe toujours des faits divers de violences et de délinquances en France, mais les chiffres ne mentent pas, elle a baissé énormément ces trente dernières années !
Lorsqu’on argumente, seuls les chiffres comptent.

Il existe beaucoup d’autres illogismes argumentaires : en appeler aux émotions du public, confondre naturel et bon, les faux liens de causalités, juger un argument sur sa provenance, etc… Je vous conseille le site yourlogicalfallacyis.com qui en détaille encore un certain nombre.
La prochaine fois que vous écoutez un débat télévisé, n’hésitez pas à faire le compte des vrais et faux arguments. Vous comprendrez vite que les politiciens ne s’intéresse pas énormément à la vérité mais plutôt à une version déformée qui les intéresse.

Sur ce je vais m’écouter un peu de Arctic Monkeys pour me déstresser.




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