Les légendes populaires
ont toujours eu un impact important sur la façon d’organiser notre réflexion et
aucune d ‘entre elle n’est aussi bien ancrée dans nos esprits que le mythe
de l’âge d’or. On le retrouve dans beaucoup de cultures antiques : le
paradis des chrétiens, l’âge d’or des grecs et romains, le Satya Yuga hindou...
Mais aussi dans des théories plus récentes : certains considèrent que
l’entre deux guerres était une période bénie, d’autres parlent des années 60
avec nostalgie. N’évoquons même pas les nostalgiques de Vichy... Bref tous ces
braves gens voient une société meilleure dans une période passée.
Du coup, il m’est
impossible de lire désormais un article ou de regarder une émission politique
sans entendre en fond Francis Cabrel avec son accent du sud qui
chante « c’était mieux avant ».
Le mythe de l’âge d’or
est l’un des plus dangereux qui existe. Quelque soit le sujet, il continue de
nous faire penser que la sagesse est ancienne, que les réponses sont dans le
passé et que nos sociétés modernes sont une dégénérescence de formes plus
simples et meilleures. Aucune de ces choses n’est vrai.
Quelques
exemples :
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La famille : la vision idyllique de la
famille homme-femme et un ou deux enfants est une gigantesque arnaque. Elle n’a
jamais existé. Dans les anciennes cultures, les enfants n’étaient généralement
pas élevés par leurs parents. Depuis les premiers siècles et jusqu’à la
désertification rurale, les familles n'étaient pas non plus organisées autour du
couple, mais d’un noyau beaucoup plus large, avec grands parents, oncles et
tantes, cousins et cousines habitant tous sous le même toit.
Impossible de savoir ce que penseront nos arrière petits
enfants de notre façon d’envisager la famille... Peut-être passerons-nous pour
des arriérés pour notre réluctance à officialiser des couples multiples et
variés, peut-être le couple n’existera-t-il plus, peut-être nos enfants seront
élevés en communauté...
Dessin de Chappatte dans le Temps |
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L’alimentation et la médecine : là aussi,
un grand sujet du moment, entre OGMs, malbouffe et vaccins.
La première chose qu’il
est important de rappeler, c’est que nous n’avons jamais été en aussi bonne
santé, ni n’avons vécu aussi vieux qu’aujourd’hui. Du coup certains crachent sur
les vaccins qui ne sont pas naturels, sur la bouffe qui était meilleure avant
ou sur la médecine qui a perdu son contact avec la nature (c’est vrai que les
sangsues c’était quand même beaucoup plus drôle), en oubliant que le taux de
mortalité infantile n’est pas passé de 150 à 3,5 en un siècle par miracle. La
médecine n’a de cesse de faire en sorte que les humains vivent de mieux en
mieux et de plus en plus longtemps, ce qui est exactement l’opposé de
quelque chose de naturel ! Pourquoi, du coup, traiter toute nouvelle avancé
dans ce domaine comme une abomination ?
Quant à l’alimentation,
il est clair qu’elle sera amenée à beaucoup changer dans les décennies à venir,
au fur et à mesure que les sujets de l’écologie et du respect des êtres vivants
deviennent de plus en plus importants. Nous ne pouvons plus envisager la
nourriture comme on le faisait il y a un siècle où la surabondance et la faible
population mondiale le permettait.
Quelques pistes :
moins de viande, c’est une certitude, tant le coût de fabrication en céréales
de certaines viandes est élevé (7kg de céréales pour 1kg de viande pour le
bœuf, 5kg pour le porc). Des cultures OGMs, là aussi c’est une
quasi-certitude, mais pas sous leurs formes brevetées à la Monsento, plutôt
avec une banque centrale de cultures accessibles à tous (la version opensource
de la génétique). Et à tous les rebelles anti-OGMs, il suffit juste de rappeler
que les dernières cultures de sorgho et de mil modifiés consomment quasiment 5
fois moins d’eau, de quoi régler le problème de la famine en Afrique.
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Les sciences : le fameux Démocrite au
quatrième siècle avant JC qui connaissait déjà l’atome ou les mayas qui avait
tout prévu (au passage, les mayas ne sont pas une civilisation antique, ils ont
disparu au 16ème siècle)... C’est n’importe quoi !! S'il y a
bien une chose où on peut parler de croissance exponentielle, c’est bien le
savoir scientifique. Nous (les êtres humains, pas juste les scientifiques)
connaissons des centaines de fois plus de choses que les
humains du début du XX ème siècle. Même si nous bâtissons toujours le savoir
scientifique sur les découvertes passées, le phénomène d’accumulation entraîne
irrémédiablement que nos descendants auront accès à de plus grandes connaissances
que nous.
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La pensée : là aussi, on s’imagine toujours
un âge d’or plus ou moins ancien, que ce soit les lumières ou la Grèce antique.
Les grecs étaient des esclavagistes misogynes et guerriers. Quant aux
philosophes des lumières, leurs thèses de la Raison (R majuscule) appliquées à
tous les domaines ont abouti, non seulement à la Révolution et à la guillotine (pas
totalement positif donc), mais aussi à essayer d’appliquer des modèles "raisonnés"
à la société humaine, au hasard le capitalisme, l’eugénisme, etc...
Là aussi, il est clair que la tolérance et l’humanisme ne se
trouvent pas dans le passé.
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La dangerosité du monde : la plupart des êtres humains pensent que le monde est plus dangereux qu’il y a 30 ans, 100 ans ou
500 ans. C’est absolument faux, les chiffres du nombre de morts par armes dans
le monde prouvent exactement le contraire. Jamais l’humanité n’a vécu dans une
période aussi sûre. Et ça ne va aller qu’en s’améliorant !
Et pour les attentats, c’est la même chose : on en recense
beaucoup plus dans les décennies 1970 et 80 qu’en 2000 et 2010 ! Idem pour
le nombre de morts. (l’article de slate ici
avec les chiffres)
Loin de moi l’idée de
prétendre que rien n’est intéressant dans notre histoire, mais les réponses à nos
problèmes de société (écologie, place de la famille, répartition des richesses,
etc...) ne se trouvent certainement pas dans le passé. Il faut voir plus grand
et plus radical que ce qui existe ou a existé.
Du coup, impossible de
ne pas relier la morosité ambiante et l’appel à un retour d’une époque où tout était
meilleur, à cette vision de l’âge d’or. Heureusement et malgré tout ce que l’on
peut en dire, le meilleur est toujours devant nous, il nous faut donc commencer
à regarder de ce côté là et pas toujours en arrière en espérant y trouver des
solutions miracles.
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